dimanche 29 novembre 2015

Amis de la Terre, nous ne devons rien lâcher !

Je reprends l'écriture de mes « carnets d'un exilé volontaire » avec peine. Après exactement deux mois de vie alternative, j'aurais aimé vous narrer bien d'autres aventures mais les deux dernières semaines en ont décidé autrement.

Pour commencer, je suis tombé malade. Rien de très grave mais la fièvre a quand même réussi à me paralyser entièrement pendant quelques jours.

Ensuite, et c'est là le plus important, la rédaction de mes carnets futurs a dû faire face aux ritournelles cruelles du « À quoi bon ? ». Je sais que certains me liront, me commenteront et partageront ce texte mais j'imagine aussi que sa diffusion sera plus faible parce que depuis les attentats de Paris, la recherche d'alternatives à ce système mortifère a cessé d'être une priorité pour beaucoup de lecteurs potentiels.

En effet, depuis le 13 novembre, la psychose collective semble avoir balayé d'un trait les préoccupations sociales et environnementales. Cette réalité effarante, les réseaux sociaux me l'enseignent tous les jours.

Au début, j'ai mis ça sur le compte du choc émotionnel. Ensuite, j'ai compris que ce n'était pas qu'une réaction à court terme et que les porteurs d'alternatives devraient composer avec cette drôle d'ambiance.

J'avoue en éprouver une certaine peine même si je ne perds pas espoir que certains se réveillent dans les prochains mois, quand nos États profiteront trop franchement de ce vent favorable à leur appareil répressif. Je m'attriste néanmoins qu'il faille peut-être en arriver là pour leur ouvrir les yeux.

À dire vrai, ce désintérêt pour les questions sociales et environnementales me choque parce que je considère qu'il fait offense à la raison. De nouveaux arguments objectifs en faveur des alternatives sociétales sont en effet apparus dans le contexte actuel.

Premièrement, il faut avoir à l'esprit que cette région du monde où sévit la barbarie obscurantiste qui s'importe occasionnellement chez nous, c'est avant tout une zone convoitée par toutes les puissances parce qu'elle détient les principales réserves de pétrole. L'or noir, c'est justement le Saint-Graal des capitalistes productivistes. Avant d'être impliqué dans la tragique crise humanitaire du Moyen-Orient, le pétrole fut en outre la cause des crises économiques successives des années septante. Rappelons à ce titre que les capitalistes américains - déjà eux ! - avaient eu l'idée d'y lier leur monnaie pour créer les pétrodollars, rendant toute l'économie mondiale du bloc de l'Ouest dépendante de ce fichu combustible.
Gageons donc que casser cette dépendance énergétique réduirait l'ardeur de nos politiciens à se mêler de la politique intérieure des États du Moyen-Orient.
Cela permettrait aussi de se défaire du soutien tacite à des régimes moyenâgeux qui salissent l'image du monde occidental sur toute la surface du globe et créent de la frustration chez les peuples spoliés.

Deuxièmement, vivre sous le capitalisme aujourd'hui et demain impliquera pour le citoyen européen lambda d'accepter, en plus du salariat aliénant et des mesures d'austérité, un package de mesures sécuritaires qui le grèveront dans ses mouvements, le condamneront à subir des contrôles au faciès et augmenteront son stress quotidien avec toutes les répercussions que l'on sait sur sa santé. Votre petit confort mérite-t-il toutes ces frustrations, tout ce temps volé et cet épuisement chronique ? Je ne le crois pas.

Enfin, couper les ponts avec ce système nous permettrait de couper également les ponts avec la logique délétère du ressentiment qui ne va pas cesser de grandir dans les quartiers populaires à forte concentration de population d'origine immigrée, un ressentiment que l'on peut comprendre. En effet, il s'explique principalement par l'impression d'être un citoyen de seconde zone après avoir déjà payé le prix fort : celui d'ancêtres volés, malmenés voire torturés et condamnés par l'entreprise impérialiste.
Les progressistes n'ont pas à se positionner dans un soi-disant conflit de civilisation entre « blancs » et « non-blancs » parce que ce conflit est un paravent agité par toutes les droites, qu'elles soient occidentales ou indigènes afin de conserver et de légitimer l'ordre établi. Il s'agit en fait d'une manipulation qui vise à cacher les problèmes sociaux, économiques et de citoyenneté de certains quartiers. Considérer que le conflit de civilisation est à la base de tout, c'est nourrir le racisme dont se repaissent à leur tour tous les fascismes, qu'ils soient djihadiste, anti-arabe ou antisémite. C'est une chaîne sans fin qui pourrit ce qu'il reste du vivre ensemble sous le capitalisme.
J'espère vous avoir convaincu que ces attentats tragiques devraient au contraire nous permettre de dire un grand « Stop » à l'impérialisme, au culte de la croissance capitaliste qui prend des allures de religion et aux attaques sans cesse répétées contre nos libertés individuelles chèrement conquises.

Voilà pourquoi, après cette petite pause « réflexion », je reprendrai l'écriture des carnets avec, je l'espère, plus d'assiduité. À l'heure où l'État bourgeois profite de la situation pour museler ceux qui cherchent une alternative à l'impasse dans laquelle il nous a plongé, plus que jamais, nous ne devons rien lâcher. Je tenais à publier ce billet aujourd'hui même sur mon blog pour marquer ma solidarité avec les militants écologistes arrêtés, perquisitionnés et assignés à résidence sous le prétexte de l'État d'urgence. Une fois encore, l'avenir de la planète sera débattu par les puissants de ce monde sans que nous n'ayons notre mot à dire ni même la possibilité d'assister aux discussions. L'urgence est avant tout sociale, environnementale et citoyenne. Amis de la Terre, ne lâchons rien !




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