Avis des lecteurs

Cette page rassemble quelques avis de lecteur par titre paru. 

Je publierai chaque retour de lecture que vous m'enverrez, qu'il s'agisse d'éloges ou de critiques. Du moment qu'il ne s'agit pas d'opinions sans aucun développement ou d'attaques de l'oeuvre motivées par des raisons politiques, je prends chaque avis de lecteur comme un présent que l'on me fait. 

Bonne découverte !

  

BLACK-OUT 

"Black-out c'est un ouvrage intemporel. En effet, loin de la forte tendance des romans modernes à empester le « cucul la praline », Florian reconstruit le monde de l'absurde avec une touche descriptive à la Boris Vian et une plume pourtant dure comme l'acier. Parce que dans Black-out chaque page à son odeur, sa propre couleur. Le livre transpire d'une envie de dénoncer et il le fait à merveille. Au fil des mots, l'être révolutionnaire qui sommeille en nous gronde et proteste qu'on le fasse sortir. Parce que, qui peut rester indifférent face à la misère ? Face aux faces des politiques étirées par des sourires hypocrites ? Si le monde ressemblait à ça demain ? Et s'il y ressemblait déjà... Le « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » de Pangloss ne semble-t-il pas un peu désuet ? Ma claustrophobie m'a reprise lorsque je suis entrée dans les rayons des Supermarchés enterrés six pieds sous terre, quand les murs de l'injustice se sont resserrés autour de moi, quand enfin, les drames humains pourtant fictifs m'ont poignardé de tous côtés. Rassurez-vous, aucune prescription médicale ne vous dispense de lire ce livre parce que Black-out c'est peut-être tout cela mais c'est aussi des passages particulièrement cocasses.
J'ai déjà connu des romans qui laissent une trace derrière eux et qui nous suivent dans certains moments de notre vie et nous accompagnent. Black-out en fait partie."

li-livres.skyrock.com


   
"Je m'étais préparée à lire une histoire inhumaine, mais je ne m'étais pas aperçue qu'elle pouvait être aussi monstrueuse que le décrit l'auteur. Je me suis retrouvée à Schuman City (nouveau nom de Bruxelles), une ville polluée, dictée par les politiciens (dont les noms nous fait bizarrement penser à ceux de la réalité...) et par le commerce. Votre enfant tombe, inconscient, dans les souterrains servant de centre commercial? Un homme viendra se présenter parmi les zombies qui vagabondent entre les rayons non pas pour immédiatement faire les premiers soins à l'enfant mais pour comparer la large gamme de lits de toutes tailles, pour tout poids, préparés à touts genre d'infections,... et présenter un grand concours qui offrira au gagnant une semaine d'hospitalisation gratuite! N'est-ce pas merveilleux tout ça? Alors que la personne la plus importante de votre vie est en train de sombrer à vos côtés, un abruti vient vous em****er avec ses offres "exceptionnelles". Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres qui fourmillent dans ce livre et qui m'a mise hors de moi. L'idée qu'on puisse ainsi devenir me dégoûte.

Plusieurs personnages défilent dans ce roman. Je ne me suis pas vraiment attachée à eux (ou peut-être quand même à Patrick et son fils), peut-être ne voulais-je pas voir ce qu'il leur arrivait. Leur vie est triste, terne, sans intérêt.Tout est malheureux, tout est noir dans ce roman! Les seules joies sont les souvenirs.

Ce livre ouvre les yeux sur la société d'aujourd'hui et sur ce qu'elle deviendra (et je l'espère pas!) plus tard. "

chapitre-c.skyrock.com

    
"Pour un premier roman, ce n'est pas mal du tout. On sent parfois encore une écriture juvénile (22 ans) mais c'est un auteur que l'on devra compter désormais dans la littérature belge. Des touches d'humour, des jeux de mots, des situations absurdes malgré un sujet sérieux."

Myrinna

  


LA PETITE FEMME AUX CIGARETTES 




"la petite femme aux cigarettes" ou "contes de la folie ordinaire"

On a tous besoin d'une fiction pour se souvenir de ce qui est essentiel disait en substance Bruno Bettelheim dans "psychanalyse des contes de fées".
Les contes de fées ne sont pas des enfantillages juste bon à distraire les enfants, ils traduisent l'inconscient collectif qui les a sécrétés et sous l'aspect ludique, détiennent des messages riches d'enseignements sans moralisation religieuse. C'est sans doute, fort de ce postulat plus ou moins conscient, que Florian Houdart décide de s'emparer du théme de "la petite fille aux allumettes".

La lente plongée de son héroïne se fait grâce à une écriture légère empreinte de sursauts Surréalistes, une écriture jubilatoire qui oscille entre rêve et réalité, entre merveilleux et trivial, entre symbolisme et aphorisme parce que la frontière est mince entre le bonheur et la déchéance, l'histoire et la vie, la créature et son créateur.

"la petite femme aux cigarettes" évoque pour moi irresistiblement "Nadja" d'André Breton par l'itinéraire de son héroïne aussi fantastique qu' inéluctablement tragique. Mais contrairement à Breton, Florian Houdart ne profite pas de son héroïne pour extraire la substance de son oeuvre, tel les rapaces de la Télé-réalité. Il ne tombe pas dans le piège du voyeurisme professionnel et du misérabilisme contemporain mais il le dénonce, grâce à la poésie qui s'échappe de chaque situation comme elle transpire de son écriture même.

Tous les personnages constituent l'ensemble d'un décor qui n'a rien de subsidiaire, car ils sont les rouages d'une même machine implacable, les éléments essentiels et contradictoires d'une même pièce. Une construction mentale qui sous-tend tout le roman, centré non pas sur le problème des sans-abris dans nos villes, comme le laisse comprendre le titre, mais sur une problèmatique plus vaste : la folie et l'amour.
Je ne parlerais que de trois personnages pour étayer ma vision et ne pas trop en divulguer le déroulement :

- Françoise qui crée des chimères d'argile pour tenter de maitriser, façonner ses pulsions et maintenir à distance sa propre folie.

- Werther qui ne peut plus créer, dévoré par l'amour de la peinture, qui le paralyse et l'anéanti et qui illustre les affres de la création qui pousse parfois jusqu'à l'auto censure ou à l'auto destruction.

- Anna qui est le jouet du destin comme son personnage est la pâte à modeler de l'auteur.

Ils incarnent les Trois éléments (la sainte trilogie) essentiels à toute création : la matière, l'oeuvre et le créateur, mais également les questionnements artistiques intemporels de toute oeuvre.
Etre à la fois acteur et créateur de sa propre vie pose des problèmes paradoxaux qui pousse l'esprit dans ses derniers retranchements, aux confins du doute et de la folie.
Est-ce que créer me construit ou me détruit ?

Ces trois figures, sont également les métaphores de l'amour destructeur. L'amour qui modèle a son image, qui maintient dans le narcissisme, l'hérédité, la malédiction pour Françoise.
L'amour empreint d'idéal désincarné et déconnecté du réel pour Werther.L'amour servile d'Anna pour son patron-Pygmalion qui la maintient dans la trivialité d'une existance sans transcendance, d'une vie d'objet plutôt que de sujet.
L'amour matérialiste de Gros Louis qui passe à côté de l'essentiel et y perd son intégrité intellectuelle.

Alors, si nous avons tous besoin d'une fiction pour se souvenir de ce qui est essentiel à nos existences, le roman de Florian Houdart n' invente pas une histoire, ex nihilo, il redistribue les rôles déjà connus pour nous questionner sur nos priorités :
Qu'est-ce que réussir sa vie ? Qu'est-ce que l'amour ? Celui qui consumme ou qui construit ? Qu'est-ce que l'existence : subir ou maitriser ? Etre un artiste ou être un pantin ?

Floriana Vélasquez




"La petite femme aux cigarettes est un ouvrage tout simplement superbe.
Prenez une trame un peu semblable à celle de « la petite fille aux allumettes », transposez la à notre époque.
Lisez douze chapitres qui pourraient représenter douze mois, un roman, un an qui pourraient résumer une vie.
Cette vie c'est celle d'Anna, une jeune fille qui croit encore à la vie et à l'amour, une jeune fille pure à laquelle il suffit de douze chapitres pour tout perdre, à cause d'un système et d'une société qui ne lui laissent aucune chance.
Rencontrez des personnages désagréables, à peine caricaturaux, et heureusement quelques autres qui savent encore voir la magie et la beauté.
Mais le monde est ainsi, ceux de la première catégorie réussissent et les autres sombrent de diverses façons, la folie au mieux, ou se réfugient dans l'exil.
N'oubliez surtout pas que, même si quelques éléments fantastiques se glissent dans le récit, on parle bien d'un monde que vous connaissez, de notre monde. Tout cela pourrait se passer en bas de chez vous.
Peut on encore sauver le monde et les humains ? ... En tout cas acquérir le livre est simple.
Mais attention attendez vous à ne plus pouvoir en abandonner la lecture, particulièrement au cours des dernières pages, car on comprend que la fin est inéluctable, mais on voudrait pourtant pouvoir la changer... La prochaine fois certains feront peut être plus attention..."

  

"Je me souviens du conte que je préférais lire, lorsque que j'étais petite, pendant les périodes de Noël. Il s'appelait « La petite fille aux allumettes » et à l'époque, je ne savais pas qui l'avait écrit. J'aimais la chaleur des allumettes que je sentais à travers le papier, l'odeur de la dinde rôtie qui cuisait simultanément dans le four de ma cuisine et surtout je voyais dans les étoiles les quelques personnes qui m'avaient quittée.

Aujourd'hui j'ai ouvert un autre livre, « La petite femme aux cigarettes ». Et, comme pour le conte d'Andersen qui a marqué mon enfance je pourrais dire que celui-là a marqué mon adolescence. Ce n'est plus en effet la chaleur des allumettes que je ressens mais la fumée brûlante de mes Lucky Strike qui pénètre dans mes poumons et me râcle la gorge. Ce n'est plus l'odeur de la dinde rôtie ni les vitrines illuminées qui me font voyager, mais les rues de Bruxelles dans lesquelles les courants d'air d'automne chassent l'espoir et le balayent. Enfin, dans les étoiles je ne vois plus les gens qui sont partis mais ceux que j'aime et que j'ai quittés. Peut être me regardent-t-il là haut, et pensent à moi.

Quand la vie d'Anna s'écroule elle continue d'espérer grâce à ces personnages qu'elle rencontre sur sa route. Son patron qui croit, et à juste titre, que l'amour peut tout arranger, un marabout qui explore le ciel, un artiste rongé par son travail et tout droit sorti d'un roman assassin et d'autres, sorte de rapaces qui représentent l'indifférence et la méchanceté et qui mettent en relief la lutte que l'on peut (ou que l'on doit) toujours mener pour combattre la bassesse. Et même dans sa fragilité, Anna est l'exemple de l'héroïne courageuse et bienveillante, libre jusqu'à la fin.

La liberté est en effet au centre du roman c'est pourquoi on pourrait penser qu'il s'inscrit dans le « Sturm und Drag », avec un léger retard dans le temps. Un ouragan dans les esprits comme l'illustre la folie de la mère d'Anna. Extérioriser son déséquilibre ne le rend-il pas encore plus fort ? N'écrivons-nous pas pour soulager la folie qui s'empare de nous ? Les hommes qui nous gouvernent cherchent à tirer parti de nos faiblesses pour un peu, encore un peu plus de pouvoir.

Le second roman de Florian, tout comme le premier, dénonce mais seulement en décrivant le monde tel qu'il est avec quelques pointes de surréalisme, comme toujours.
Un conte moderne, sans fées mais où la magie règne. Voulez-vous une cigarette ?"

li-livres.skyrock.com



" Florian,

Ton livre m'a ému et touché par divers aspects. Le tableau d'une vie, ses épiphanies, ses chutes, ses fermetures et éclaircies à la jonction des
flux du monde. D'une vie comme il en déambule tant dans nos cités pétries d'inattention à l'autre. Le regard de l'écrivain s'apparente à l'
envoyé stellaire, qui offre une bouffée de chaleur, quand se gèle l'arc-en-ciel des possibles.

Ton conte urbain est réellement « habité » tant par les rôles qu'y jouent les entités humaines que non humaines (Bruxelles, Schaerbeek, Froid,
Vent, Automne). Une dynamique fortement visuelle s'installe ainsi dans le
corps du lecteur.

J'ai aussi apprécié ton regard lucide et teinté d'humour quant aux hypocrisies de notre siècle.

Quand je le peux, je lirai « black out »

Bonne continuation

Contente d'avoir découvert ton univers.

A bientôt...

Athane"
Athane Adrahane, écrivaine, philosophe, musicienne. 

 
"Bon, là, je cherche une boîte de prozac...Bon sang, ce roman fait un mal de chien...Déjà qu'en dehors des courses en montagne et bien entendu des gens que j'aime, ce monde me dégoûte jusqu'à la nausée. Mais alors, là, c'est le coup fatal.
Une destruction irréversible, l'abandon de toute humanité, rien à se raccrocher, les gens qui pourraient agir ne vivent que dans l'illusion générée par leurs douleurs, plus rien de vivant, de réel, aucune projection positive, les politiciens ne sont que les marionnettes qu'on connaît, les sauveurs potentiels ne sont que des âmes folles en sursis, les victimes identifiées sont encore plus folles, rien, il n'y a rien pour sauver qui que ce soit. Et certainement pas cette femme qui se consume jusqu'au mégot. La société la jettera et on ne se souviendra même pas de ses cendres. Ou alors juste le temps que la fumée s'évapore. Avant de s'intéresser à une autre victime parce que ça fait grimper l'audimat.
Une écriture ravageuse dans le détail. Une analyse extrêmement lucide de chaque situation. Une psychologie digne des plus sordides compte rendus de Freud. Il y a bien quelques sursauts de poésie dans cet espace destructeur mais ils sont comme des étincelles éphémères. Juste le temps d'une bouffée de cigarette, quand on tire furieusement et qu'on devine les crépitements. Juste une empoisonnement. Comme si les bonheurs fugaces renforçaient encore plus la dégénérescence. Aucun espoir et l'illusion de l'espoir n'est qu'une marche supplémentaire pour l'accès au tremplin. On finira quand même par sauter.

Bon, je vais aller marcher un peu moi...Il y a des étoiles."

Thierry Ledru, écrivain passionné de montagne, de philosophie et d'éducation :

la-haut.e-monsite.com
 




CORRESPONDANCES  



"L'auberge des apparences



Un roman qui en vaut la peine ! Un très jeune auteur belge qu’on devrait inviter dans les médias pour parler de son livre...
Un roman dont on ne sort pas indemne et qu’on lit comme un suspense. Une histoire à deux dimensions, d’abord les lettres que le héros, Amory écrit à l’Absente, une jeune fille dont il est amoureux et qui l’a quitté ou peut-être qui n’a jamais existé.
Ensuite, les aventures dramatiquement rocambolesques d’Amory, ce jeune cadre faussement dynamique embauché dans la société « Life », une société qui a le vent en poupe.

"Dans notre monde où chaque être est programmé et aliéné, chacun a besoin d’une liberté qu’il ira chercher ailleurs, que ce soit le sexe, la drogue, l’alcool, les antidépresseurs, ou les marchands de bonheur de tous bords".

J’espère que l’auteur ne m’en voudra pas si je compare ce thème avec Houellebecq lorsqu’il fustige les adeptes du développement personnel, sauf que Houellebecq fait l’impasse sur une critique sociale, chose qui n’échappe pas à Florian Houdart qui est un auteur engagé aussi bien dans ses textes que sur le terrain. Il est d'ailleurs administrateur de l’ASBL Le Coin aux étoiles, une maison culturelle alternative.
L’atmosphère chez « Life », c’est un peu comme « Stupeur et tremblements d’Amélie Nothomb qui dénonce l’absurdité du système japonais. Il y a aussi du Kawabata, le nostalgique, qui s’émeut sur ce qui n’est plus, cette tristesse qui fait pleurer l’auteur face à la disparition de son amour.
Un roman à deux temps qui dénonce la condition absurde de l’homme moderne, imposée par la société marchande. "

 
"Le roman de Florian Houdart m’apparaît d’abord comme le témoignage visionnaire d’un futur alarmant mais plausible, si proche qu’on en ressent déjà les effets se profiler à l’aube de ce troisième millénaire. Un futur déshumanisé, tissé par les conquêtes progressives des multinationales sur l’âme humaine. Un futur où l’on assiste à la lente victoire d’une technobureaucratie où quelques-uns règnent sans partage et contrôlent les biens de ce monde, jusqu’à la conscience des fonctionnaires.
Mais Correspondances est aussi un long cri d’amour épistolaire qui tombe lentement en déliquescence dans les longs couloirs affairistes, lucratifs et lubriques de cet univers fonctionnel.
Au fond, la première quête, folle et désespérée, du protagoniste ne serait-elle pas de tenter de sauvegarder la bonté, la candeur et la pureté initiales, valeurs qu’il a cru retrouver auprès d’une jeune assistante, et de la sauver de cet univers destructeur, quel qu’en soit le prix à payer ?


Amory enquête au sein de son entreprise. Au fil de ce suspense, on le perçoit comme un être étonnant, mû par de nombreux paradoxes.
A la fois fou mais lucide, presque voyant. Amer et pourtant plein d’espérance. Pessimiste mais curieux, même passionné. Bâtisseur puis saboteur, comme les bizarreries antinomiques de la condition humaine.
Les plus fortes pressions sont exercées par Life, la multinationale bâtie sur le modèle japonais, pyramidal et inflexible qui l’embauche. Auront-elles raison de sa forte résistance face aux diktats, dont peu à peu il perce la réalité sur le terrain ?de son refus de collaborer ? Et enfin de sa révolte contre la résignation qui semble avoir gagné les autres employés, compétiteurs, voraces, obscurs, libidineux, sectaires, et sans scrupules ?
Amory pourrait fuir. Mais au dehors, derrière les vitres fumées de l’entreprise, que reste-t-il du monde d’avant ? Puis surtout, quelque part dans les bas étages de Life, là où seuls de rares élus ont accès, le tout puissant Hymamoto est sur le point de contrôler le corps et l’âme d’une nouvelle Eve, survenue comme le dernier espoir de l’humanité. Amory va braver cet étrange cartel pour essayer de sortir de son emprise celle qui lui a permis d’entrevoir une autre vie, en renouant avec un improbable sentiment d’amour vrai. Et rien que cette grandeur d’âme enfin retrouvée chez un semblable vaut bien de prendre tous les risques, si périlleux soient-ils."

Thierry Ries, poète et animateur culturel




"Cher Florian,

Voici, comme promis, mon avis sur « Correspondances ». Un livre anticapitaliste, très sombre, dont le héros anticonformiste, très éclairé, nous apporte des bouffées d’oxygène et d’espoir. Ce roman suscite la réflexion, en même temps que de laisser un goût amer. Toutes mes félicitations pour ce troisième roman !
Dès les premières pages et dans toutes les lettres, j’ai été émue par la sensibilité infinie d’Amory, sa sincérité et son amour pur, profond, absolu que toute personne rêverait de susciter. L’intensité de la souffrance du manque est terriblement bien exprimée et fend le cœur, on en éprouve le besoin de réunir le héros et l’Absente. Enthousiaste, insouciante, naïve mais rebelle, Cerise est également très attachante. Hélas, il est loin, le temps des cerises. Leur histoire nous tient en haleine jusqu’à la fin du livre (ou plutôt jusqu’au commencement d’un renouveau). Mais venons-en au thème du livre, les méfaits du capitalisme qui se dévoilent progressivement jusqu’à l’horreur. Ton but est bien atteint, on attend avec impatience sa destruction.
Prenez une poupée gigogne et ouvrez-la, vous en trouverez une deuxième, puis une troisième et ainsi de suite. La boîte, où travaille Amory y ressemble. A part que cet ensemble de poupées gigognes se décuple sans cesse. Chacune des sections de la gigantesque boîte japonaise contient des dizaines d’employés aux fonctions à la fois pompeuses et nébuleuses, empreintes d’une novlangue que seuls les initiés capitalistes sont en mesure de comprendre. Amory, jeune employé anticonformiste, maniant les chiffres (eux, au moins, ne peuvent pas mentir, même s’ils peuvent être interprétés différemment), répète les mêmes rituels aliénants de la secte du capital. Pour se sentir exister hors de la prison mentale construite par ses pairs, Amory se fond dans un amour idéal, purgé de toutes les vicissitudes imposées par la société consumériste. Il met son cœur à nu dans des lettres poignantes destinées à la mystérieuse Absente. Au fil de ses lettres et de son questionnement perpétuel, on suit Amory qui interpelle le lecteur en ce qui concerne l’être aimé et l’asexualité. L’Amour, souvent considéré dans notre société comme un produit de consommation parmi d’autres, peut-il revêtir uniquement une dimension sentimentale ? Une relation strictement platonique peut-elle perdurer, bien que contre nature ? Une relation amoureuse implique-t-elle la présence d’un homme jouant le rôle de bourgeois et la femme de prolétaire, comme le disait Marx, ou vice-versa ?
Une autre facette intéressante de ce livre traite de l’asymétrie des relations entre les employés et le patronat. Amory fait face aux diktats de l’entreprise-secte et à ses collègues, qu’il voit participer au jeu de la manipulation et de la domination. Faut-il fournir la hache aux bourreaux ou renier le système en les privant de la force de travail malgré le risque d’une extrême précarité ? Est-il indispensable d’effectuer un travail que la conscience ne peut cautionner ? Quelle cale pouvons-nous désormais enfoncer dans les rouages de la mécanique capitaliste ? Les actions syndicales exercent-elles encore les pressions escomptées ? Peut-il encore y avoir des négociations là où l’on ne respecte ni le travailleur ni l’être humain ? Dans un monde violent et répressif, peut-on juger acceptable l’emploi de la violence ? Elle est un engrenage vers la guerre qui n’a jamais résolu les problèmes, c’est juste l’application de la loi du plus fort au lieu de celle du plus juste. Jusqu’à présent, elle n’a servi qu’à renforcer le climat d’insécurité et à décrédibiliser toute idée défendue (prenons l’exemple des CCC), aussi séduisante soit-elle. Quelles alternatives pacifistes pouvons-nous développer ?
Passons à ce qui m’a déplu. Plutôt que de détailler explicitement les vices et sévices, même s’ils reflètent la réalité (je pense notamment à l’agression sexuelle d’un employé par ses supérieurs dans une usine de Soignies), j’aurais espéré y trouver une simple allusion, suffisante pour comprendre et imaginer, car je trouve choquantes ces descriptions de perversion, je me suis sentie prise en otage dans un délire sexuel que je n’avais pas envie de lire. Pour moi, cela altère la sensibilité et la poésie si brillamment exprimées et nuit au sérieux du livre, et même de son auteur pour ceux qui ne te connaissent pas personnellement.
Ce livre suscite beaucoup de questions et offre maints sujets à débattre mais voilà résumé l’essentiel de mes réflexions, ce cri muet, comme une réponse à un appel à détruire ce monde qui nous emprisonne pour canaliser tout élan vital et nous divise pour mieux régner ou encore, nous rend absent de toute réalité jusqu’à devenir dépendant de nos propres illusions.
Bonne continuation (j’ai failli dire « dans toutes tes entreprises », mais ce serait te taquiner) et bonne chance dans tous tes projets !

Au plaisir de te lire à nouveau !

Bien amicalement,

Amandine "





MONSTRE 2015 


"Chers amis artistes, sympathisants, alternatifs, engagés ou non, curieux et autres humanistes (encore vivants), je vous recommande vivement de vous procurer ce petit recueil de textes et de poèmes édité par Chloé des Lys et l'ASBL Le Coin aux étoiles. J'ai été très agréablement surpris par la qualité des textes sélectionnés qui décrivent sous des angles toujours différents, les conditions de vie d'une immense majorité des artistes en Belgique et sans doute un peu partout dans le monde. Beaucoup de finesse, de sensibilité, d’émotion, de malice et d'humour dans des textes qui soulignent avant tout la tendresse de leurs auteurs sans que l'amertume, le désespoir ou les privations (sans doute bien souvent légitimes) ne soient jamais mises en avant. C'est une prouesse d'écrire sur une telle réalité et de parvenir à rester délicat, aimable, raffiné et poli. Pari relevé de mains de maître donc ! Personnellement, je décerne mon salut d'or à Micheline Boland pour "Moi, je sais tout", un texte qui relève presque de la fable où un chat bienveillant relate, à sa façon, les difficultés de son maître dessinateur. Un texte simple et touchant.
Que le vocable "MONStre 2015" ne vous égare pas. Il ne s'agit pas du tout d'un pamphlet comminatoire (et oui fallait bien que j'en place une, désolé!) au sujet des choix opérés pendant cette année culturelle, mais plutôt d'encadrer les textes dans ce contexte culturel actuel, ce qui, somme toute, est bien légitime. Chacun pensera ce qu'il voudra de la stratégie d'allocations de fonds publics mais c'est un autre débat, politique celui-là. Nous verrons bien si les tournesols sont vivaces ou annuels, n'est-ce pas ?
En achetant ce petit opuscule, vous vous garantissez déjà le plaisir de passer un très agréable moment de lecture, vous vous immergez dans une cause qui a besoin de vous et vous soutenez l'asbl Le Coin aux étoiles qui le mérite amplement pour l'énergie et le dévouement surannés dont elle fait sans cesse preuve aujourd'hui dans la communauté alternative et créatrice. Si ce n'est déjà fait, prenez le temps d'aller y faire une petite pause. Mes mains à couper que vous vous surprendrez à cultiver des rêves que vous croyiez évanouis. Ce n'est déjà pas si mal, non ?"


Alain Scarcez, poète. http://www.scarcal.com/
 


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